Le casse-tête des subventions sur le carburant en RDC
Depuis plusieurs années, le gouvernement a été contraint d’augmenter les prix du carburant après les menaces de pénurie causées entre autres par l’inadéquation entre le prix du pétrole sur le marché international et celui appliqué dans les stations-services. Ceci suscite des interrogations sur l’efficacité de la politique de subvention des prix du carburant à la pompe en RDC.
Une politique sociale très coûteuse
En RDC, les prix du carburant sont déterminés en fonction de l’évolution de trois paramètres clés de la structure des prix : le prix d’importation des produits pétroliers, la structure du volume par zone géographique et le taux de change. Lorsqu’un de ces facteurs dépasse le seuil de tolérance fixé à 5 %, une adaptation des prix est requise.
Cependant, dans la pratique, le prix du carburant à la pompe ne dépend pas de ces mécanismes classiques du marché, mais résulte plutôt des négociations entre le gouvernement congolais et l’industrie pétrolière : d’une part, les sociétés pétrolières maintiennent les prix artificiellement à un niveau le plus bas possible, et d’autre part, le gouvernement congolais s’engage à couvrir les pertes et manques à gagner. Actuellement, le gouvernement prend en charge 40% du prix réel de chaque litre de carburant pour préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. Cette régulation est cruciale en raison de la nature stratégique du carburant et de son impact sur divers secteurs.
Malgré l’augmentation des prix du pétrole sur le marché international, récemment causée par le conflit russo-ukrainien et de la résurgence du conflit israélo-palestinien, les prix du carburant en RDC s’ajustent lentement aux fluctuations, grâce à la politique de subvention. Toutefois, cette dernière a des implications budgétaires significatives. Le Fonds monétaire international (FMI) préconise le remplacement des subventions par des mesures plus ciblées, telles que des transferts d’argent directs aux populations vulnérables. En 2011, le gouvernement avait été contraint de suspendre les subventions suite aux menaces des bailleurs de suspendre leur appui budgétaire. Mais appliquer les mesures ciblées s’avèrent complexes en RDC a cause de l’absence des données statistiques fiables sur la population.
Les subventions représentent, en effet, un fardeau financier considérable pour le trésor public : le gouvernement congolais dépense en moyenne plus de 50 millions de dollars par mois pour compenser les pertes des pétroliers. Pour la seule année 2022, le montant total de la subvention s’élevait à plus de 4 milliards de francs congolais (soit plus de 1,8 milliards de dollars), représentant 3,6 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Ce montant est nettement supérieur à ce qui est alloué à d’autres secteurs tels que la santé et les infrastructures.
Les retards de paiement affectent la capacité des entreprises pétrolières à renouveler leurs stocks en temps opportun. Ainsi, elles pressent le gouvernement à réévaluer certains aspects clés de la structure des prix, en particulier le taux de change, actuellement inférieur au taux réel du marché, engendrant ainsi des pertes lors de l’importation des produits en dollars américains. De plus, étant un pays importateur de pétrole, une hausse des prix du baril de pétrole sur le marché international devrait se refléter dans le prix du carburant à la pompe en raison de l’augmentation des coûts d’importation. Mais cela n’est pas le cas.
La RDC devrait-elle supprimer les subventions ?
Malgré ces problèmes, la question du retrait ou du maintien des subventions ne se résume pas simplement à un calcul économique; elle revêt également une importance cruciale sur les plans social et politique. En cas de suppression des subventions, les consommateurs congolais devraient supporter le coût réel du carburant, estimé à 4975 francs congolais (1.99 dollars américains ) en août 2023, au lieu de 2995 francs congolais (1.19 dollars américains ) pratiqués à Kinshasa pendant la même période. Ceci aurait immédiatement des répercussion sur le coût de la vie, mettant une pression additionnelle sur des ménages déjà vulnérables en raison de la dépréciation du franc congolais et de l’inflation. Une hausse du prix du carburant se traduirait inévitablement par des coûts plus élevés pour le transport public, comme c’est déjà le cas dans la ville de Kinshasa, ainsi que le transport des denrées alimentaires, et d’autres produits de première nécessité.
Ceci dit, la pérennisation de ces subventions dans leur forme actuelle posent des défis considérables. Bien qu’elles apportent un soulagement immédiat en réduisant les coûts des biens essentiels et des transports, ce qui est crucial pour les personnes à faibles revenus, leur maintien à long terme s’avère problématique. Consacrer des fonds aux subventions prive d’autres secteurs essentiels, tels que la santé et l’éducation, de ressources nécessaires. Initialement, le financement des subventions devait provenir du mécanisme de stock de sécurité conçu pour compenser les pertes des pétroliers. Cependant, ce dernier est peu opérationnel, contraignant le gouvernement à puiser dans le trésor public pour compenser les pertes et manques à gagner des pétroliers. Cette situation est extrêmement difficile à gérer en raison d’autres contraintes budgétaires, notamment le paiement des fonctionnaires, le financement des élections, les dépenses liées à la défense et à la sécurité. En sommes, l’équilibre entre les avantages et les conséquences des subventions soulève une question cruciale pour la stabilité économique, sociale et politique du pays.