Investiture de Tshisekedi : en cinq ans, un radical changement de discours sécuritaire
« Ce quinquennat aura pour objectif […] d’assurer avec plus d’efficacité la sécurité de nos populations, de notre territoire ainsi que la préservation de nos intérêts au moyen de la restructuration de notre appareil de sécurité et de défense. Et par la poursuite du renforcement de la diplomatie. » Voilà les quelques phrases que le président Félix Tshisekedi a consacrées au chapitre sécuritaire de son discours d’investiture le 20 janvier 2024.
En 2019, il semblait considérer que le problème sécuritaire était essentiellement interne avec les groupes armés qu’il fallait éradiquer. Aujourd'hui, il insiste sur l’éradication d’une menace extérieure contre les populations, le territoire congolais et les intérêts congolais.
Comment expliquer cette évolution du discours sécuritaire ?
Bonjour et bienvenue dans ce troisième épisode de la saison 4 de Po Na GEC, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et d’Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Reagan Miviri, chercheur à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 26 janvier 2024.
Le 20 janvier, le président Tshisekedi a prêté serment pour un second et dernier mandat. Lors de son discours, son analyse et son approche sur la question sécuritaire ont évolué. En 2019, Tshisekedi avait présenté les huit priorités de son mandat avec la sécurité en tête. Il s'était engagé à « la pacification de tout le territoire national en accélérant la lutte contre l’éradication des groupes armés qui sévissent et sèment la désolation auprès de nos populations ». Cet engagement n’a pas été tenu. Depuis la résurgence du mouvement du 23 Mars (M23), les trois dernières années du quinquennat ont plutôt été caractérisées par la remobilisation des groupes armés. Certains combattent désormais aux côtés des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) contre le M23 soutenu par le Rwanda.
Pendant la campagne électorale dont les questions sécuritaires étaient au centre, le président a justifié l’implication des certains groupes armés aux côtés des FARDC. Il a présenté ces Wazalendo comme des patriotes qui protègent l'intégrité nationale contre « l’agression rwandaise ». Ils peuvent désormais se prévaloir du statut de réservistes grâce à une loi votée en 2023.
Lorsqu’il est arrivé à la présidence, Tshisekedi pensait pouvoir s'appuyer sur la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) et les voisins pour résoudre la problématique des groupes armés. Il avait même proposé l'idée d'un état major régional en 2019. Il a décidé d'entrer dans la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), et a même voulu et obtenu son intervention militaire en RDC. Depuis, il a mis fin au mandat de sa force militaire et maintenant, il veut le départ de la Monusco. Il veut s'appuyer sur les groupes armés contre le M23, soutenu par le Rwanda qu'il n'hésite plus à présenter comme l’ennemi qu’il faut mettre en échec.
La résurgence du M23 a été un point de rupture et a beaucoup influencé le changement radical du discours de Kinshasa. Le président aurait sous-estimé les rivalités régionales et n'aurait pas anticipé le soutien de Kigali au M23. L’autre raison serait le fait que l'EAC (et dans une moindre mesure la Monusco) ont voulu l'inciter à négocier, une approche très impopulaire en RDC. Le président a choisi de radicaliser son discours : il n'était pas question de négocier.
Malgré l'évolution du discours, les faits n'ont pas radicalement changé. Sur terrain, le pays s’appuie encore sur les forces étrangères dont l’efficacité reste aussi à prouver. L’armée ougandaise combat avec les FARDC contre les Forces démocratiques alliées (ADF) entre le Nord-Kivu et l’Ituri. La communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) vient aussi d’envoyer une mission militaire pour lutter contre le M23. Sans oublier la Monusco dont le mandat vient d’être renouvelé pour un an - même si elle devrait se retirer du Sud-Kivu ces prochains mois.
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