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Biden à Luanda : à qui profite l'investissement américain à Lobito ?

Biden à Luanda : à qui profite l'investissement américain à Lobito ?

Dec 6, 2024

Joe Biden a atterri à Luanda lundi pour sa première et unique visite en Afrique en tant que président. L'objectif principal de ce voyage était de présenter le soutien des États-Unis pour l’Angola et pour le corridor de Lobito en particulier, un projet ferroviaire soutenu par le gouvernement américain. L'objectif général de ce projet et du voyage de Joe Biden est de contrer l'influence chinoise dans la région en montrant que les États-Unis constituent une meilleure alternative. Est-ce qu’il pourrait réussir ? Et quelles sont les implications éventuelles pour la République démocratique du Congo ?

C'est le sujet de ce 48e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, la capsule audio d'Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, et du Groupe d'étude sur le Congo (GEC) qui analyse, chaque semaine, un sujet de l'actualité congolaise. Je m'appelle Jason Stearns et je suis le directeur du GEC. Nous sommes le vendredi 6 décembre 2024.

L'un des rares points communs entre Joe Biden et son successeur Donald Trump est leur attitude à l'égard de la Chine. Tous les deux ont identifié ce pays comme le principal rival des États-Unis ; tous les deux ont adopté une position de confrontation, déployant des moyens militaires autour de la Chine et utilisant les droits de douane sur les marchandises en provenance de ce pays. L'Afrique a joué un rôle important dans cette compétition. Alors que le continent n'attire qu'environ 3,5 % des investissements mondiaux, il fournit de grandes quantités de minéraux essentiels à l'économie mondiale : 15 % de la production du cuivre, 47 % des diamants industrielles, 76 % du cobalt et 68 % du tantale. La plupart de ces minerais transitent par la Chine, où ils sont transformés et ensuite se retrouvent sur le marché mondial.

Il n'est donc pas surprenant que Joe Biden ait déclaré qu'il était « à fond sur l'Afrique », en organisant un sommet des dirigeants américains et africains en décembre 2022, en accueillant l'Union africaine en tant que membre permanent du G20, en plaidant en faveur de deux sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU et en annonçant une multitude de nouveaux investissements en Afrique.

Le corridor de Lobito est l'un de ces investissements phares. Joint-venture entre trois entreprises privées et financé en partie par les États-Unis, le projet ferroviaire de Lobito est censé réduire le temps nécessaire pour acheminer les minerais de la ceinture de cuivre en Zambie et en RDC jusqu'à l’océan atlantique. Les premières cargaisons réguliers de cuivre par le port de Lobito ont commencé en août de cette année ; le voyage de la région congolaise de la ceinture de cuivre jusqu'au port a duré six jours par chemin de fer, ce qui est nettement plus court que le voyage moyen de 30 jours par route et par chemin de fer jusqu'aux ports de Namibie, d'Afrique du Sud ou de la Tanzania.

Pourtant, il n'est pas certain que ce projet et les autres investissements promis par les États-Unis soient aussi transformateurs qu'ils le souhaitent. Cela s'explique en partie par le fait que la Chine occupe déjà une place prépondérante en tant que partenaire des pays africains. En 2022, le commerce bilatéral de la Chine avec l'Afrique a atteint 282 milliards de dollars, alors que celui des États-Unis n'était que d'environ 50 milliards de dollars. La Chine est le premier investisseur en Afrique et devance aujourd'hui largement les États-Unis en tant que destination des Africains pour leurs études : en 2018, plus de 80 000 d'entre eux sont allés dans des universités chinoises, contre environ 50 000 aux États-Unis.

D'autre part, le projet Lobito lui-même promet probablement plus qu'il ne peut tenir. Même s'il parvient à réduire les coûts de transport et les délais, les minéraux et les profits qui en découlent continueront de profiter en grande partie à la Chine. Tout d'abord, la plupart des grandes sociétés minières de la RDC sont détenues majoritairement par des capitaux chinois - Glencore, basée en Suisse et ERG, basée au Kazakhstan, sont les principales exceptions. Aucune grande société minière basée aux États-Unis n'est active en RDC–la dernière, Freeport McMoRan, a vendu sa part dans la mine de Tenke Fungurume à une société chinoise en 2016. Même les cargaisons de minerais congolais qui ont quitté Lobito cette année à destination des États-Unis provenaient en partie de mines appartenant à des sociétés chinoises.

Deuxièmement, si la RDC peut raffiner le cuivre et l'expédier directement vers les marchés occidentaux, elle ne peut pas faire de même pour le cobalt. La plupart des raffineries de cobalt du monde sont situées en Chine, tout comme les industries qui utilisent le minerai raffiné. Ainsi, même si le cobalt arrive à Lobito, il sera très probablement acheminé de là, autour du Cap, vers les villes portuaires du sud-est de la Chine. 

Indépendamment de la question de savoir si Lobito sera un succès pour les États-Unis, est-ce une bonne chose pour la RDC ? Le projet n'est qu'un des nombreux projets d'infrastructure dans la région visant à faciliter l'exportation de marchandises à partir du continent. Il existe des projets à grande échelle pour réhabiliter les ports de Beira et Maputo au Mozambique, Walvis Bay en Namibie, Durban en Afrique du Sud et Dar Es Salaam en Tanzanie. En outre, et c'est peut-être le plus inquiétant pour les partisans de Lobito, le gouvernement chinois a récemment annoncé son intention de réhabiliter la ligne ferroviaire TAZARA, qui relie la ceinture de cuivre de la RDC et de la Zambie à Dar es Salaam, ce qui serait plus logique pour ceux qui cherchent à exporter des minerais de la région vers la Chine.

Cette concurrence est probablement bénéfique pour la RDC et ses voisins, car elle entraînera une augmentation des investissements dans les infrastructures, ce qui est plus que nécessaire. Mais elle ne transformera pas l'économie congolaise d'une économie principalement basée sur l'extraction de minerais - qui produit peu d'emplois et crée peu d'industries auxiliaires - en une économie qui promeut une croissance plus équitable.

Vous pouvez consulter nos analyses sur d'autres défis auxquels la RDC est confrontée en recevant Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone en envoyant « Ebuteli » ou « GEC » par WhatsApp au +243894110542. À très bientôt.

 

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