Discours du président Tshisekedi sur l’état de la nation : entre autosatisfaction et modération
Ce mercredi 11 décembre, le président Félix Tshisekedi a tenu le premier discours sur l’état de la nation de son second mandat. Devant les députés et sénateurs réunis en congrès, le chef de l’État a évoqué toutes les questions touchant à la vie de la nation. Pouvoir d’achat des Congolais, embouteillages à Kinshasa, situation sécuritaire dans l’Est, réforme constitutionnelle, … Le président a également vanté le bilan de son gouvernement tout en formulant de nouvelles promesses à l’endroit de la population. Que peut-on retenir de ce discours ?
Bonjour et bienvenue dans ce 49e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, la capsule audio d'Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, et du Groupe d'étude sur le Congo (GEC) qui analyse, chaque semaine, un sujet d’actualité congolaise. Je m'appelle Naomie Moke, je suis fellow à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 13 décembre 2024.
Dans un contexte politique marqué par le débat autour de la révision ou du changement de la Constitution et la dégradation continue de la sécurité dans l’Est, ce discours était très attendu par une bonne partie de l’opinion.
Sur le plan socio-économique, le président de la République s’est montré très satisfait des mesures de stabilisation du cadre macro-économique, avec la maîtrise du taux de change, la réduction des prix de certains biens et services. À cet effet, il a annoncé que « le gouvernement a suspendu la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et réduit les taux des droits, taxes et redevances sur huit produits alimentaires de première nécessité ».
Cette mesure demeure cependant conjoncturelle, car elle est fréquemment décrétée à l’approche des festivités de fin d’année. C’est pourquoi le président a insisté sur la nécessité de maintenir à 11% la part allouée à l’agriculture dans le prochain budget. Une telle mesure permettrait au pays, si les fonds prévus sont effectivement décaissés, d’exploiter ses nombreuses terres arables et réduire progressivement sa dépendance alimentaire vis-à-vis de l’étranger.
Les efforts déployés pour l’identification biométrique des agents de l’État et la rationalisation des cadres organiques ont été également salués par le président. Toutefois, Félix Tshisekedi a rappelé que la prochaine phase devra être la mise en place d’une politique salariale équitable et juste pour combattre les inégalités de traitement entre les agents.
Dans le domaine de la santé, le président a noté la poursuite de la mise en œuvre de la couverture santé universelle. Cette mesure a permis, selon lui, à « plus de 1,3 millions de femmes de bénéficier de ce service ». Déjà effective dans 13 provinces, l’accouchement gratuit s’étendra dans les restes des provinces du pays au courant de l’année 2025, a-t-il promis. Sauf qu’une bonne partie du personnel soignant est actuellement en grève.
Sur le plan sécuritaire, le président de la République qui n’a pas manqué de dénoncer l’agression rwandaise, a salué la détermination de forces armées et des Wazalendo ainsi que le soutien de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui auraient permis de repousser les agresseurs et leurs supplétifs en dehors de l’entité de Matembe. Pourtant, les rebelles, soutenus par l’armée rwandaise, n’ont fait qu’élargir les territoires qu’ils occupent dans le Nord-Kivu. En plus de Nyiragongo, Masisi et Rutshuru, le M23 a étendu son influence dans les territoires de Lubero et de Walikale, provoquant un afflux massif de déplacés internes.
S’agissant de la réforme constitutionnelle, le président de la République a adopté une posture plus modérée que lors de ses dernières allocutions. S’appuyant sur les retards enregistrés pour la nomination de la Première ministre, il a annoncé qu’ « il est peut-être temps d’engager une réflexion nationale sur une réforme constitutionnelle, afin d’éliminer les failles qui ralentissent le fonctionnement de notre appareil étatique ». La fermeté qui caractérisait ses déclarations précédentes à ce sujet ces dernières semaines semble avoir cédé la place à une approche plus apaisée. On pourrait être tenté de penser que le président Tshisekedi ne considère plus la réforme constitutionnelle comme une « question de vie ou de mort », comme l’a également souligné Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, 48 heures avant la tenue de ce Congrès. Le président de la République a d’ailleurs écarté certains argumentaires polémiques avancés lors de ses meetings pour justifier le besoin de cette réforme. Les termes tels que « Constitution des étrangers rédigée à l’étranger » ou « Constitution des belligérants » n’ont pas été évoqués. Malgré cette modération du président de la République autour du débat sur la révision ou changement de la Constitution, il n’est pas dit que sa détermination à mettre en place une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution est entamée. Actuellement, conformément à l’article 219 de la Constitution, le maintien de l’état de siège empêche toute initiative de révision constitutionnelle. De même, bien que l’état de guerre n’ait jamais été déclaré, la crise sécuritaire dans l’Est du pays serait un grand obstacle éthique, car elle risquerait notamment d’exclure de ce débat des populations des zones sous occupation du M23, comme ce fut le cas en décembre 2023 lors des élections générales.
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