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La Chine est-elle hors de portée des critiques de Kinshasa ?

La Chine est-elle hors de portée des critiques de Kinshasa ?

Sep 13, 2024

Le 5 septembre à Pékin, en marge du Forum sur la coopération sino-africaine, Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre congolais et ministre l’Intérieur, a refusé de signer le Mémorandum d’Entente sur la coopération policière entre les pays de l’Afrique de l’Est et la Chine. Par ce geste, il entendait protester, non pas contre la Chine, mais contre l’absence de condamnation par la Communauté d’Afrique de l’Est de la violation de l’intégrité territoriale de la RDC par le Rwanda. Le vice-Premier ministre a même précisé « privilégier » la « relation bilatérale » avec la « République populaire de Chine ».

Pékin n’a pourtant pas davantage condamné l’action du Rwanda sur le sol congolais. Mais, à la différence des gouvernements africains et occidentaux, la Chine semble immunisée contre ce type de remontrances de la part de Kinshasa.

Bonjour et bienvenu dans le 36e épisode de la saison 4 de Po na Biso, la capsule audio qui tente, chaque semaine, d’analyser l’actualité de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, directeur du pilier violence à l’Institut Ebuteli, et cette semaine, nous nous intéressons à la relation entre la RDC et la Chine, et particulièrement aux facteurs qui semblent protéger Pékin contre de possibles critiques de Kinshasa.

Depuis plus de deux ans que la crise rwando-congolaise a commencé, une des priorités de la diplomatie de la RDC a été de faire reconnaître internationalement l’agression du Rwanda. De son côté, la Chine a défendu le principe de l’intégrité territoriale de la RDC et a condamné le M23. Mais elle n’a pas condamné la présence de troupes rwandaises sur le sol congolais.

Ceci ne semble pourtant avoir aucunement entaché les relations entre la RDC et la Chine. Comment l’expliquer ?

D’abord, la Chine est largement perçue comme respectant des principes de non-ingérence et de neutralité dans les conflits internationaux. Si cette position officielle masque parfois des alliances plus étroites avec des parties en guerre, comme par exemple avec la Russie, même après son invasion de l’Ukraine, Kinshasa, comme d’autres capitales africaines, semble globalement accepter ce mode de fonctionnement et n’imagine visiblement pas être en mesure de faire évoluer la position chinoise sur son conflit avec le Rwanda.

Par ailleurs, et peut-être surtout, l’influence économique de la Chine demeure considérable en RDC. Contrairement à ce qu’espéraient sans doute les diplomates américains au moment de nouer un « partenariat privilégié » avec la RDC de Félix Tshisekedi, cette tendance ne s’est pas vraiment inversée depuis son arrivée au pouvoir.

Les fameux contrats chinois, signés sous la présidence de Joseph Kabila, ont été renégociés, permettant des engagements plus importants en matière de soutien à la construction d'infrastructures (324 millions de dollars par an, à condition que les prix des minerais restent au-dessus de certains seuils). Mais cela n’a pas remis en cause les principaux avantages obtenus à Pékin.

La Chine demeure de très loin, le principal partenaire commercial de la RDC (41 % des exportations congolaises sont à destination de l’empire du milieu, ce qui en fait de la RDC le deuxième fournisseur de Pékin sur le continent). Les entreprises chinoises sont largement leaders au sein du très stratégique secteur minier congolais (elles en détiennent 70 % selon la chambre des mines congolaises). La compagnie chinoise CMOC est par exemple devenue, en 2023, le premier producteur mondial de cobalt, grâce à ses mines congolaises, surpassant le Suisse Glencore. La Chine est également un fournisseur d’équipements militaires pour les FARDC notamment ses drones CH-4. Et Kinshasa compte bien continuer à bénéficier des opportunités offertes par Pékin. Après sa participation au Forum sur la coopération sino-africaine, le président Félix Tshisekedi a par exemple nommé une task force gouvernementale pour tenter de rafler une part significative des 50 milliards de dollars sur trois ans annoncés par Pékin pour soutenir le développement du continent.

Selon l’analyste Géraud Neema, spécialiste de la relation sino-congolaise, les entreprises chinoises contribuent non seulement aux caisses de l’État congolais, mais entretiennent aussi largement la classe politique congolaise elle-même.

La volonté politique de pays tels que les États-Unis de remettre en cause le quasi-monopole des entreprises chinoises sur les secteurs clés de la RDC n’a pas inversé la tendance pour l’instant. Washington a contribué à financer des projets d’infrastructures, comme le corridor de Lobito, qui doit permettre d’acheminer les minerais de l’ex-Katanga jusqu’à la façade atlantique via l’Angola. Quelques entreprises occidentales, comme les Canadiens de Ivanhoe Mines, ont bien contribué à des investissements très importants en RDC, comme la gigantesque mine de cuivre de Kamoa-Kakula, dans le Lualaba. Mais ceci reste le fruit d’un partenariat à égalité avec Zijin mining group, une entreprise… chinoise.

Par-delà les alternances à la tête de la RDC, la Chine demeure un acteur incontournable en RDC. Ceci contribue, sans doute, à la placer au-dessus de toute critique.

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