La lutte pour les droits des femmes en RDC, quelles avancées ?
Lundi 6 mars, Gisèle Ndaya Luseba a, sur son compte Twitter, appelé les Congolaises et Congolais à bannir cette année toute connotation festive liée à la célébration de la journée internationale de la lutte pour les droits des femmes. « La commémoration de la journée internationale de la femme se fera partout en RDC par un dialogue entre nos décideurs avec les femmes et une levée des fonds pour la solidarité aux femmes de l’Est. Pas d’activité festive partout », a écrit la ministre du Genre, Famille et Enfant. La journée internationale de la lutte pour les droits des femmes est, en effet, parfois mal comprise. Offre de pagnes, organisation de concerts, ou soirée arrosée au Nganda, nombreux sont les exemples reléguant ce jour de réaffirmation de l’importance de la lutte pour les droits des femmes à une simple fête commerciale. Les inégalités sont pourtant toujours bien là et le combat loin d’être terminé.
Alors, à l’occasion de la journée internationale de la lutte pour les droits des femmes, quelles sont les avancées concrètes en RDC ces dernières années ?
Bonjour,
Je m’appelle Alice Viollet. Je suis analyste et responsable de programme au Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York. Vous écoutez le neuvième épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio du GEC et de son partenaire de recherche en RDC, Ebuteli, qui résume et analyse, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 10 mars 2023.
Le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018, va même plus loin dans un communiqué publié mercredi, je cite : « En RDC, la journée du 8 mars ne sera pas non plus un jour de fête. C’est bien plus qu’un jour de deuil. » Il invite par ailleurs les femmes à s’habiller en noir. Les femmes sont encore bien trop confrontées à des violences sexuelles, physiques et économiques, ainsi qu’à des discriminations en matière d’éducation, de santé et d’emploi. En particulier, les groupes armés impliqués dans le conflit dans l’est de la RDC utilisent massivement la violence sexuelle comme arme de guerre. Depuis 2017, le Baromètre sécuritaire du Kivu a recensé 39 viols collectifs commis majoritairement contre des femmes et des filles.
Pour rappel, la journée internationale de la lutte pour les droits des femmes, adoptée en 1910, lors de la Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague à la suite de la proposition de la militante allemande Clara Zetkin, a été instituée pour revenir sur les combats menés par les femmes pour l’égalité des sexes et leurs droits, mais aussi pour mettre en lumière les inégalités, les discriminations et les violences dont elles sont encore victimes.
Le 8 mars, même le président de la République, Félix Tshisekedi, désigné champion de la masculinité positive par les Chefs d’État et de Gouvernement des États membres de l’Union africaine, souhaitait marquer son soutien à la lutte pour les droits des femmes en prenant part au « tout premier dialogue » sur, entre autres, la participation des femmes en politique organisé par le ministère du Genre, Famille et Enfant. Plus de 5 000 femmes issues de divers milieux sociaux et professionnels ont participé à ces échanges. Parmi les recommandations ressorties de ces discussions, on peut retenir la demande d’une participante d’instaurer un quota pour les femmes siégeant à l’Assemblée nationale et au Sénat. Actuellement, on ne compte que 69 députées sur 500 et 11 sénatrices sur 109.
Qu’en est-il de l’arsenal juridique ces dernières années ? Depuis 2006, la Constitution de la RDC a consacré la parité. Des nombreux textes législatifs adoptés ultérieurement promeuvent la parité ou définissent les conditions de sa mise en œuvre. Parmi eux, d’abord, la loi de 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité. Cette loi fixe une représentativité à 30 % minimum des femmes dans les institutions politiques. Ensuite, la loi de 2016 modifiant et complétant le code de la famille supprime l’obligation pour les femmes mariées de décrocher de leurs époux une autorisation pour exercer une activité professionnelle. Plus récemment, la modification de loi électorale opérée en 2022 exempte du paiement de la caution les listes ayant au moins 50 % de femmes dans une circonscription. De même, la loi du 10 juin 2008 conditionne le financement public des partis politiques à l’alignement des femmes sur leurs listes.
Mais ces lois sont loin d’être suffisantes et elles ne sont pas toujours appliquées. Selon une étude de l’ONG Action Aid, sur le harcèlement sexuel dans le monde du travail en RDC, près de 80 % des femmes travaillant dans le secteur formel ont été victimes de harcèlement sexuel au moins une fois dans leur vie professionnelle. Dans les institutions publiques notamment, une femme rapporte, je cite : « lorsque j’ai annoncé être enceinte de mon second enfant, mon supérieur m’a dit “yango bino, bolala ka te na butu” ». Traduction : « Et donc vous, vous ne dormez pas la nuit ».
Finalement, selon une étude de l’Organisation des Nations unies, au taux de progression actuel atteindre l’égalité des sexes pourrait prendre près de 300 ans. Ainsi qu’on l’appelle journée internationale de la femme, des femmes, des droits des femmes ou de la lutte pour les droits de femmes, il semble que ce jour de mobilisation pour l’égalité des sexes demeure toujours nécessaire.
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