Ituri : massacres sous silence
En février, au moins 50 civils ont été tués dans les camps de déplacés de Djaiba à 5 km de Fataki, en territoire de Djugu dans la province de l’Ituri par les miliciens de la Coopérative pour le développement économique au Congo (Codeco). Ce groupe armé fait partie des plus meurtriers pour les civils en RDC après les terroristes des Forces démocratiques alliées (ADF) et le Mouvement du 23 mars (M23). Au cours du seul mois de février, au moins 98 civils ont été tués par les miliciens Codeco et leurs ennemis, les Zaïre en territoires de Djugu et Mahagi. Depuis près de sept ans, ce conflit peu médiatisé a fait des milliers de morts.
Pourquoi cette violence persiste-t-elle loin des radars ?
Bonjour !
Je suis Reagan Miviri, analyste de conflits armés à Ebuteli. Vous écoutez le dixième épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Chaque semaine, ce podcast vous apporte notre analyse sur un sujet d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 14 mars 2025.
Les origines de ces conflits sont à trouver dans l’antagonisme Hema-Lendu pendant la seconde guerre du Congo 1998-2003 alors que l’est du pays était occupé par des armées étrangères. Cette vague des violences fut arrêtée par la force Artemis de l’Union européenne mandatée par l’ONU. En 2018, les violences ont repris selon une dynamique similaire. Initialement, les violences visaient principalement la communauté hema par des miliciens Lendu qui vont plus tard s'identifier comme groupe armé affilié à la Codeco. En réaction, les Zaires, groupes armés issus de la communauté hema et plus tard des quatre autres communautés qui s’estiment victimes des violences de la Codeco, se sont constitués et ont à leur tour commis des exactions.
À part les quelques initiatives du Programme de désarmement démobilisation et relèvement communautaire, dont notamment l’adhésion le 15 janvier d’au moins 600 miliciens du groupe Zaïre au processus de paix, le gouvernement ne fait pas grand chose pour mettre fin à cette crise. Les efforts gouvernementaux sont concentrés sur la crise M23 plus au Sud. La crise en Ituri est perçue comme périphérique alors même que les morts continuent à être enregistrés.
À la différence de la crise M23, celle-ci se passe dans des contrées plus reculées sans qu’elle ne menace directement les institutions étatiques. Cette plus faible visibilité s'expliquerait aussi par le fait qu’elle ne soit sans lien apparent avec les dynamiques régionales très scriptés actuellement. Mais, cela à changer depuis que le chef d’état major de l’armée ougandaise et fils du président, Muhoozi Kainerugaba, s'intéresse au sort des Hema qu’il considère comme ses frères séparés des autres « Bahima » par les frontières coloniales. Il se dit désormais investi de la responsabilité de les protéger contre les attaques des Codeco.
Depuis, l’armée ougandaise, officiellement présente en RDC pour lutter contre les ADF, à la suite d’attentats de ce groupe sur le territoire ougandais, s’est déployée bien au delà de sa zone d'opération contre ce groupe terroriste : une partie a traversé directement la frontière et s’est installée à l'aéroport de Mahagi et une autre partie venue de Boga s’est dirigé vers Bunia la capitale provinciale, où elle a installé ses quartiers depuis le 19 février. Le porte-parole de l’armée ougandaise a justifié ces déploiements par la volonté de protéger la population congolaise contre tout groupe armé qui commet des atrocités contre elle. Sans le citer ouvertement, il semblait faire référence au massacre de Djaiba. Toutefois, l’armée ougandaise ne s’est pas encore déployée à Djugu, épicentre des violences en Ituri. Jusqu’à maintenant les militaires ougandais n’ont pas encore été impliqués dans des affrontements contre les Codeco ou un quelconque autre groupe armé.
Cependant, le 11 février, c’est depuis la capitale ougandaise, Kampala, que Thomas Lubanga, le chef rebelle condamné par la Cour pénale internationale (CPI), a annoncé la création d’une nouvelle rébellion dénommée Coalition pour la révolution populaire (CRP). Cette annonce d'une rébellion dirigée par un membre de la communauté hema risque de contribuer à la perpétuation des antagonismes ethniques. Les Lendu pourraient craindre qu’ils soient assimilés aux miliciens Codeco issus de cette communauté comme c'était le cas lors des opérations menées par les FARDC en 2021.
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