Gouvernement d’union nationale : une réponse efficace à la crise dans l’Est ?
Face à la crise sécuritaire grandissante dans l'est de la RDC, marquée par l'avancée des troupes rwandaises et des éléments du Mouvement du 23 mars (M23), le président Félix Tshisekedi a annoncé, le 22 février, des consultations en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Mais cette initiative peut-elle réellement répondre aux enjeux de la crise ?
Bonjour et bienvenue dans ce neuvième épisode de la saison 5 de Po Na Biso, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) qui analyse, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise. Je suis Ange Makadi Ngoy, chercheuse à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 7 mars 2025.
Pour concrétiser cette initiative, Félix Tshisekedi a confié à son conseiller spécial en matière de sécurité, Désiré-Cashmir Eberande Kolongele, la mission de consulter les différentes forces politiques et sociales. L’objectif affiché est d’élargir le consensus et de mettre en place, « peut-être », un gouvernement d'union nationale.
Après la chute de Goma et de Bukavu, respectivement le 29 janvier et le 16 février 2025, Félix Tshisekedi cherche une large cohésion nationale pour mobiliser toutes les forces politiques et sociales en vue de faire face à l'agression dans l'est de la RDC. Le simple appel à un gouvernement d’union nationale pourrait t-il suffire à décrisper l’opinion publique fortement polarisée par l’initiative de réforme constitutionnelle initiée par le chef de l’État Tshisekedi ?
Pour faciliter la mise en œuvre de cette décision, la libération de certains opposants est intervenue. Cependant, jusque-là une bonne partie de l’opposition rejette l’idée de ce gouvernement. À peine sortis de la prison centrale de Makala, Jean-Marc Kabund, ancien président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et Seth Kikuni, ont indiqué qu’ils n’étaient pas intéressés. Il en est de même du camp de l’ancien président Joseph Kabila et celui de l’opposant Moïse Katumbi. Très peu d’opposants ont jusqu’ici accepté la main tendue du chef de l’État, comme l’a fait l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que le gouvernement d’union nationale ou de cohésion nationale est envisagé en période de crise en RDC. Ces trois dernières décennies, plusieurs gouvernements de ce type ont été formés. En avril 1997, alors que l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) dirigée par Laurent -Désiré Kabila et soutenue par le Rwanda, progressait vers Kinshasa, Mobutu Sese Seko avait mis en place un gouvernement de salut national. Mais cela n’avait pas empêché l’avancée des rebelles ni la chute de son pouvoir après 32 ans.
En 2014, alors qu'il jouait son avenir politique, Joseph Kabila avait également instauré un gouvernement de cohésion nationale après les concertations nationales de 2013. Cela avait permis l’entrée de quelques figures de l'opposition, sans pour autant remettre en cause le contrôle du pouvoir par Kabila. En 2016, dans un contexte de crise de légitimité avec l’impossibilité d’organiser les élections dans les délais constitutionnels, différents dialogues avaient débouché sur la formation de gouvernements similaires, destinés à apaiser la contestation. Félix Tshisekedi est-il aujourd’hui dans la même situation que ses prédécesseurs ?
Les crises passées ayant conduit à des gouvernements d’union nationale étaient souvent liées à un affaiblissement de la légitimité présidentielle. Or, jusqu’avant la chute de la ville de Goma et la déroute de l’armée face aux troupes rwandaises et au M23, Tshisekedi, lui, bénéficiait encore d’un soutien populaire non négligeable. Actuellement, ce qui lui fait défaut, c’est peut-être, la confiance de certains acteurs politiques et sociaux.
Que vaudrait alors un gouvernement d’union nationale ? Le pari du président sera donc d’attirer des membres influents de l'opposition et de la société civile. Mais, ce nouveau gouvernement pourrait également lui permettre de faire le ménage dans ses rangs, en écartant des personnalités devenues encombrantes.
Est-ce que cela va résoudre le problème sécuritaire ? Non. D’autant que ce gouvernement d’union nationale n’offre, à lui seul, aucune réponse immédiate à la crise sécuritaire. Il ne règle pas non plus la crise politique, puisqu'il n’ouvre pas réellement l’espace démocratique. À ce stade, il semble davantage être un geste politique destiné à donner l’impression d’une action concrète, plutôt qu’une solution à la dégradation de la situation sécuritaire dans l’Est.
D’ailleurs, le président ne transige pas sur son refus catégorique de dialoguer directement avec les véritables acteurs de cette crise : le M23 et l’Alliance du Fleuve Congo de Corneille Nangaa. Dans ces conditions, si ce gouvernement d’union nationale peut permettre à Tshisekedi de redéfinir ses alliances politiques, il semble loin d’être une réponse adéquate aux défis sécuritaires et politiques de la RDC.
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Réduction du train de vie des institutions en RDC : une réponse efficace aux défis sécuritaires posés par le M23 ?
Feb 7, 2025