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RDC : jusqu’où iront l’armée rwandaise et le M23 ?

RDC : jusqu’où iront l’armée rwandaise et le M23 ?

Jan 31, 2025

 Il y a quelques mois encore, le Rwanda présentait la crise du M23 comme un problème purement congolais. Mais ce mercredi, un diplomate rwandais, Vincent Karega, s’est livré à une analyse particulièrement précise des intentions du M23 dans une interview à l’Agence France presse. « Ils vont continuer dans le Sud-Kivu, parce que Goma ne peut pas être une fin en soi » a-t-il affirmé, ajoutant même qu’il était « possible » que les rebelles marchent sur Kinshasa. Après avoir pris Goma, jusqu’où peuvent aller l’armée rwandaise et le M23 ?

Bonjour et bienvenu dans ce 4e épisode de la saison 5 de Po na Biso, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, directeur du pilier violence à l’institut Ebuteli.  Nous sommes le vendredi 31 janvier et cette semaine nous nous penchons sur les scénarios possibles, après l'invasion de Goma.

L’appétit des assaillants semble en effet aujourd’hui sans limite. Ils n’ont pas attendu d’avoir digéré la conquête de Goma, qui contenait encore des poches de résistance, pour se lancer dans une nouvelle offensive en direction de Kalehe centre, au Sud-Kivu, dès le mercredi 29 janvier. Derrière, l’aéroport de Kavumu, un des derniers moyens pour Kinshasa de faire parvenir des renforts sur le front, pourrait être une cible.

Le Rwanda et le M23 semblent en tout cas n’avoir aucune intention de céder aux pressions internationales. Il faut dire que ces dernières ont été faibles. Même si cette semaine, pour la première fois depuis le début de la rébellion, les gouvernements anglais et allemand ont soulevé la possibilité de suspendre leur aide au Rwanda, cela n’a pas dépassé le stade des condamnations verbales et des menaces pour l’instant. 

Dans certains cercles diplomatiques, une tentative du Rwanda d’annexer une partie de l’est de la RDC ou d’aller jusqu’à Kinshasa fait désormais partie des scénarios à envisager. Ce n’est toujours pas l’hypothèse la plus probable. Mais cette simple évocation, qui aurait semblé surréaliste il y a encore quelques semaines, en dit long sur la gravité de la situation.

Il est en tout cas parfaitement clair que le Rwanda est désormais déterminé à pousser son avantage militaire pour imposer son influence, de manière importante et durable, sur tout ou partie de la RDC. Ceci pourrait prendre différentes formes. 

Premièrement en obtenant que le M23 soit réintégré dans les institutions politiques et sécuritaires congolaises, à l’issue de négociations. Si les modalités exactes ont été différentes, c’est, dans le fond, ce qui s’est produit après les négociations de Sun City, en 2002 et 2003, et de Goma en 2009. Ce mode de règlement a largement montré ses limites, notamment du fait de son incapacité à éviter de nouvelles crises, mais ce scénario semble avoir les faveurs de nombreux pays étrangers, notamment dans la région. Toutefois, l’animosité extrême atteinte entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi, l’intransigeance constante du président congolais à l’égard de toute négociation directe avec les rebelles, et le rejet massif de cette option par l’opinion congolaise la rendent toujours difficilement praticable. La tonalité de l’adresse du président congolais à la nation, le 29 janvier, ne laissait en tout cas pas penser que c’était une option.

Sans cela, et compte tenu de la supériorité militaire du Rwanda, le M23 pourrait consolider son emprise, sans doute assez durablement, et même l’étendre à une partie significative du Sud-Kivu. Outre le drame humanitaire, la partition de fait du pays que cela entraînerait, et les difficultés que les rebelles risquent de rencontrer pour contrôler un tel territoire, cela présenterait un risque renforcé d’affrontement à l’échelle régionale. Les rebelles s’approcheraient en effet de la zone d’influence du Burundi, qui demeure à couteau tiré avec le Rwanda, et qui est l’un des rares pays encore actif militairement aux côtés des FARDC. Plusieurs milliers de militaires burundais sont en effet déployés entre Bukavu et Nyabibwe, même si leur niveau de motivation est incertain. Une telle extension de la zone d’influence de Kigali serait aussi vue d’un très mauvais œil par ses rivaux sur le continent, à commencer par l’Afrique du Sud, qui pourrait envoyer des renforts, selon la presse de ce pays. 

Enfin, Kigali pourrait chercher à obtenir, d’une façon ou d’une autre, le départ du président Tshisekedi. Les modalités d’un tel scénario sont difficiles à concevoir. Mais une déclaration de guerre de la RDC au Rwanda, telle qu’elle semble envisagée par certains cercles à Kinshasa, pourrait le précipiter.

Ces sombres hypothèses peuvent toutefois encore être évitées. Mais cela demandera un grand sang-froid et beaucoup d’habileté de la part de Kinshasa, ainsi que des pressions internationales considérablement plus fortes sur Kigali. Deux ingrédients qui ont, pour l’instant, fait cruellement défaut dans cette crise.

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