Javascript est désactivé

|
Podcast
Kabila, pourquoi maintenant ?

Kabila, pourquoi maintenant ?

Jan 24, 2025

Depuis son départ du pouvoir en 2019, Joseph Kabila s'était muré dans un silence déconcertant, même face aux crises politiques et accusations directes. Pourtant, depuis décembre, il semble sortir de l’ombre en initiant des consultations politiques avec des figures de l'opposition comme Moïse Katumbi et Claudel Lubaya, à Addis-Abeba. Une rencontre avec l’opposant Martin Fayulu n’est pas exclue dans les prochains jours ou semaines. Alors, quels calculs politiques ou stratégiques motivent l’ancien président ?

Bonjour,
Je m’appelle Trésor Kibangula. Je coordonne les recherches sur la politique à Ebuteli. Vous écoutez le troisième épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New York. Chaque semaine, ce podcast vous offre notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.

Nous sommes le vendredi 24 janvier 2025.

Depuis qu’il a quitté le pouvoir, Joseph Kabila est resté étonnamment silencieux, même lorsque des crises politiques semblaient nécessiter une réaction de sa part. En 2020, lorsque son ministre de la Justice, Tunda Ya Kasende, a été éjecté du gouvernement de coalition avec le président Félix Tshisekedi, son silence a surpris. De même, il n’a pas pris position lors de la nomination controversée de juges constitutionnels, malgré les tensions ouvertes entre le chef de l’État et les présidents des deux chambres du Parlement, qui lui étaient alors favorables. Celui que son camp continue d’appeler « raïs » n’a pas réagi non plus lorsque Tshisekedi a renversé la majorité parlementaire et poussé le Premier ministre de la coalition vers la sortie. Depuis la défaite de son dauphin Emmanuel Ramazani Shadary à la présidentielle de 2018, beaucoup attendaient de Kabila la restructuration de son parti, le PPRD. Jusqu’à ce jour, rien.

Ces silences ont dérouté ses alliés autant que ses adversaires. Pourtant, aujourd’hui, un proche de Kabila nous le jure : « Il n’avait jamais quitté le jeu politique. Il avait simplement pris un recul nécessaire pour permettre au peuple de juger par lui-même les actes du régime actuel. »

Après plusieurs retours annoncés mais jamais concrétisés – comme la fameuse lettre aux Congolais promise pour fin 2022 –, Kabila refait surface dans un contexte particulièrement tendu. Son successeur Félix Tshisekedi a récemment annoncé un projet de réforme constitutionnelle. Il n’a jamais dit qu’il briguerait un troisième mandat, mais ses opposants pensent que cette réforme pourrait remettre les compteurs à zéro et lui permettre de se représenter en 2028. Cette possibilité alimente les critiques de dérive autoritaire et rappelle les accusations portées contre Kabila à la fin de son second mandat. Lui non plus n’avait jamais exprimé publiquement son intention de rester au pouvoir, mais ses proches s’en faisaient les porte-voix, tandis que le report des élections de 2016 renforçait les soupçons.

Sur le front sécuritaire, le conflit avec le M23, soutenu par le Rwanda, pèse lourdement sur l’Est. Certaines personnalités du régime, le président Tshisekedi compris, accusent ouvertement Kabila de collusion avec le M23. « Il n’y a pas eu d’ouverture d’enquête judiciaire à ce jour », tempérait cette semaine un vice-Premier ministre que nous avons rencontré. Pour autant, un proche de Kabila dénonce une « politique de bouc émissaire » : « Sous Kabila, le M23 avait été défait militairement et des sanctions diplomatiques avaient été obtenues contre le Rwanda. Aujourd’hui, les failles internes et les divisions, notamment dans l’armée, créent des conditions incitatives à l’agression. » Pas sûr que l’argumentaire convainque tout le monde.

En tout cas, pour comprendre ce retour de Kabila, il faut le lire sous deux angles principaux. D’un côté, Kabila semble vouloir défendre un héritage politique qu’il estime menacé. Malgré le « glissement » de son second quinquennat entre 2016 et 2018 et la controverse autour des résultats de la présidentielle de 2018, il revendique le statut de celui qui a permis la première alternance politique pacifique en RDC. De l’autre, Kabila semble se repositionner pour fédérer une opposition dispersée et affaiblie. Son objectif ? Construire une alternative politique face à Tshisekedi, avec comme enjeu immédiat de barrer la route à la réforme constitutionnelle. 

Avec les consultations qu’il entreprend, Kabila pourrait ainsi redessiner les rapports de force de l’opposition face au pouvoir. Une alliance avec d’autres figures de l’opposition comme Katumbi et Fayulu, voire Delly Sesanga, renforcerait cette dynamique.

Toutefois, ce retour soulève des interrogations. Après des années de retrait, Kabila parviendra-t-il à surmonter les défis d’un paysage politique polarisé et à répondre aux attentes d’une population en quête de solutions concrètes ? Une certitude : en signant son retour par des rencontres stratégiques, il marque une volonté de peser à nouveau dans le débat politique national.

En attendant d’y voir encore plus clair, rejoignez notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

  • M23

« Po Na Biso »