La République démocratique du Congo doit-elle devenir un État fédéral ?
La RDC devrait-elle devenir une République fédérale ? C’est ce que propose Olivier Kamitatu, ancien président de l’Assemblée nationale de transition et cadre du parti Ensemble pour la République. Sa proposition a soulevé plusieurs réactions passionnées et parfois des attaques personnelles. Pourtant, cette proposition n’est pas nouvelle.
Bonjour ! Je m’appelle Fred Bauma. Je suis analyste et directeur exécutif d'Ebuteli. Vous écoutez le 15e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Nous sommes le vendredi 18 avril 2025.
Venant de Kamitatu, cette proposition est quelque peu surprenante. Son auteur s’était jusqu’ici présenté comme un des gardiens de la Constitution actuelle pour avoir joué un rôle central dans son élaboration durant la transition politique de 2003-2006. Mais que propose Kamitatu exactement ?
Dans sa tribune, Olivier Kamitatu parle de la nécessité de « réinventer radicalement les structures de gouvernance » de la RDC pour son décollage économique. Il dresse une critique de la décentralisation prônée par la Constitution actuelle et affirme que la « centralisation excessive (…) freine notre essor ». Il propose une réorganisation territoriale autour des cinq régions avec autonomie constitutionnelle. Ces provinces bénéficieraient de 60 % de leurs revenus et le pouvoir central en garderait 30 % pour s’occuper de la défense, de la diplomatie et de la politique monétaire. Les 10 % restants iraient à un « fonds d’égalisation ». Cela permettrait selon lui de répondre aux besoins des populations, de mieux gérer les ressources et de « libérer le potentiel économique de chaque province ». Cela permettrait aussi de renforcer l’unité nationale.
Ce n’est pas la première fois que ce débat est posé en RDC. Lors de la Conférence nationale souveraine (CNS), au début des années 90 et, plus tard, au cours du dialogue de Sun City, la division entre les unitaristes et les fédéralistes a rythmé le débat national. À la CNS, la majorité des délégués était favorable à ce que la troisième république soit fédérale, selon une étude publiée en 2001. Le constituant de 2005, incapable de se mettre d’accord, ont quant à eux choisi une forme intermédiaire : un État unitaire fortement décentralisé. Toutefois, dans la pratique le pouvoir central grignote toutes les avancées vers la décentralisation en bloquant la rétrocession des 40 % alors même que la Constitution consacre la retenue à la source et en fragilisant politiquement les institutions provinciales. Récemment, dans sa proposition de projet de nouvelle Constitution, le professeur Isidore Ndaywel avait lui aussi suggéré un système fédéral avec une réorganisation territoriale mais autour des six grandes régions.
Enfin, le fédéralisme est, depuis longtemps, une option fondamentale de certains partis politiques traditionnels comme l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ou plus explicitement les Démocrates chrétiens fédéralistes (DCF), ainsi que les partis ayant leur base électoral au Katanga comme l’Union nationale des démocrates fédéralistes (UNADEF) et l’Union nationale des fédéralises du Congo (UNAFEC).
Cependant, aujourd’hui, la proposition de Kamitatu soulève plusieurs critiques. Pour certains, dans une configuration politique fragile, le fédéralisme ferait le lit des ennemis de la RDC et pourrait accélérer la balkanisation du pays. D’autres affirment que ce débat n’est pas prioritaire, que l’urgence serait de préserver l'intégrité territoriale menacée par la guerre ou encore de subvenir aux besoins de base de la population. Pour d’autres encore, le fédéralisme consacrera la vulnérabilité des provinces de l’est de la RDC face aux menaces du Rwanda et de l'Ouganda.
En réalité, le débat sur le fédéralisme et ses différentes nuances – forte décentralisation, autonomie renforcée des provinces – pose la question de l’éloignement de Kinshasa, de l'accaparement des ressources des provinces par les élites basées dans la capitale et de l’abandon des provinces par le pouvoir central. Ce débat questionne aussi les limites de l’application du principe de la « libre administration des provinces » inscrite dans la Constitution actuelle. Cependant, le choix de la forme de l'État – qu’il soit unitaire, fortement décentralisé, ou fédéral – ne suffit pas à résoudre les difficultés profondes de gouvernance politique, économique et sécuritaire, ni à remédier à la corruption endémique ou aux problèmes éthiques des responsables publics. Un débat national qui ne devrait pas se résumer à la forme de l'État est urgent
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