Javascript est désactivé

|
Podcast
RDC : des leçons de gouvernance à tirer des inondations à Kinshasa

RDC : des leçons de gouvernance à tirer des inondations à Kinshasa

Apr 11, 2025

Dans la nuit du 4 au 5 avril, l’Est de la ville de Kinshasa a enregistré des inondations spectaculaires. Selon le bilan officiel, 43 personnes ont perdu la vie, et les dégâts matériels sont très importants. Au-delà du choc émotionnel et de l'indignation perceptible dans l’opinion publique, que faut-il retenir de cette catastrophe qui met en lumière les défis de la gouvernance urbaine en RDC ?  

Bonjour ! Je m’appelle Albert Malukisa Nkuku Jolino. Je suis directeur du pilier gouvernance d'Ebuteli. Vous écoutez le 14e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce podcast analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 11 avril 2025.

Malgré les moyens limités qui handicapent son fonctionnement, l’Agence nationale de météorologie et de télédétection par satellite (Mettelsat) alertait depuis plusieurs mois sur les pluies qui devaient s’abattre sur Kinshasa. Cependant, aucune disposition conséquente n’a été prise par les autorités urbaines pour limiter les dégâts en cas de pareille catastrophe. Conséquences : coupure d’eau et d’électricité due aux dommages subis par les installations de la Regideso et de la Snel dans plusieurs communes de la ville ; 42 écoles, 73 établissements de santé et 3 260 maisons touchées. Dans une ville où il n’existe pas de logements sociaux, plus de 30000 ménages sinistrés demeurent sans garantie d’une assistance adéquate de la part de l’État. Avec un budget qui dépasse à peine 1 milliard de dollars américains, le gouvernement provincial est désemparé. Il en est de même des communes soumises à une contrainte budgétaire sévère.

En effet, face à ces inondations, la réponse des autorités publiques a été tout sauf rassurante, marquée par de tâtonnements, d’improvisation et surtout par l’absence d’un plan d’action cohérent pour faire face à la catastrophe. Dans une ville dont la population est estimée entre 12 et 16 millions d’habitants, il n’existe pas de système d’alerte précoce. 

Le corps de sapeurs-pompiers, sans moyens adéquats, est aussi demeuré dans l’incapacité de sauver les vies humaines et de limiter les dégâts matériels. 

Au-delà du sous-équipement de Kinshasa, deux autres facteurs justifient l’ampleur des inondations dans la capitale. En premier lieu, des constructions anarchiques qui sont l'œuvre non seulement des citoyens, mais aussi des autorités publiques. Les lits majeurs du fleuve Congo, des rivières telles que N’djili, Makelele, Kalamu et tant d’autres sont pris d’assaut par les uns et les autres, au détriment des maraîchères. L’exercice de lotissement est avant tout perçu comme une transaction par les administrations publiques sectorielles rongées par la corruption. Les acteurs étatiques qui doivent réguler l’occupation du sol sont eux-mêmes à la base d’une dérégulation qui débouche sur la privatisation des espaces publics non réservés à l’habitat. D’ailleurs, plusieurs tentatives de destruction de ces constructions anarchiques ont été stoppées par les mêmes autorités qui craignent aussi de perdre des voix dans les quartiers populaires pendant les élections. 

Lors de la session de septembre 2024, l’Assemblée nationale s’était saisie du problème, en instituant une commission ad hoc pour examiner les problèmes de l'insalubrité, des constructions anarchiques et des embouteillages dans la ville de Kinshasa, des matières qui relèvent surtout de la compétence du gouvernement provincial. 

En deuxième lieu, il se pose toujours un sérieux problème de gestion des déchets à Kinshasa. Presque partout, y compris dans les institutions publiques, les immondices sont jetés dans les caniveaux, les égouts, les rivières et le fleuve. De 2007 à 2015, l’Union européenne avait financé deux programmes d’appui à la réhabilitation, à l’assainissement urbain et à l’urbanisation de la ville de Kinshasa, avec un coût mensuel estimé à 1 million de dollars par mois. Malheureusement, les résultats encourageants enregistrés pendant huit ans ont été annihilés au terme de cet appui de l’Union européenne; le gouvernement provincial et le gouvernement central n'étaient plus sur la même longueur d’onde.

Chaque fois qu’il est question d’appliquer les normes urbanistiques, on observe sans cesse une fragmentation de l’autorité publique. Les conflits de compétences sont légion entre le ministère des Affaires foncières et de l’urbanisme ; entre le gouvernement central et le gouvernement provincial ; entre ce dernier et les communes. Lorsqu’il y a une catastrophe, chacun a tendance à rejeter la responsabilité sur l’autre. Les interpellations des boucs-émissaires se terminent généralement par des arrangements particuliers et sans effets pour l’avenir.

Au demeurant, les inondations que vient d’enregistrer une fois de plus la ville de Kinshasa sont révélatrices de la mauvaise gouvernance urbaine, impactée aussi par la mauvaise gouvernance du pays. Les inégalités criantes dans la répartition des richesses nationales accentuent la pauvreté et contraint le souverain primaire à construire même dans les zones qui exposent sa vie et le peu de bien matériels dont il dispose. À Kinshasa, comme dans d’autres villes de la RDC, il faut nécessairement repenser la gouvernance urbaine. Pour y parvenir, il est crucial que  la société civile se mobilise pour imposer la redevabilité des autorités à tous les échelons. Une ville comme Kinshasa a sans nul doute besoin d’une décentralisation garantissant son autonomie financière et politique.

Vous pouvez rejoindre notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na biso chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

  • RDC
  • Kinshasa
  • Innondations

« Po Na Biso »