Les événements de Kinshasa soulignent les failles de l’appareil sécuritaire
Le dimanche 19 mai, des hommes en uniforme ont pris d’assaut le Palais de la nation après avoir abattu deux gardes rapprochés du député national Vital Kamerhe à sa résidence. Cet incident, qualifié de tentative de coup d'État par les autorités, a rappelé les graves défaillances de l’appareil sécuritaire.
Bonjour et bienvenue dans ce 20e épisode de Po Na Biso, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) qui résume et analyse, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise. Je m’appelle Henry-Pacifique Mayala. Je suis le coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu. Nous sommes le vendredi 24 mai 2024.
Au coeur de la capitale, la Gombe, commune supposée être la plus sécurisée de la RDC, est à 2000 kilomètres de l’est du pays, loin des insécurités récurrentes depuis trois décennies. Pourtant, un commando armé y a semé une panique en ciblant plusieurs figures et institutions clefs du pouvoir.
Kinshasa comme toutes les grandes villes a sa dose d’insécurité urbaine, mais il ne s’agissait pas que du phénomène Kuluna. Un commando d’une dizaine d’hommes, vraisemblablement sans formation militaire avérée, armé d’équipements militaires, a pendant plus d’une heure assiégé le Palais de la nation et hissé le drapeau de l’ancienne République du Zaïre.
De surcroît, la présence de quelques étrangers dans les rangs des assaillants, notamment trois Américains, dont le fils de Malanga, a augmenté les enjeux de cette affaire. La partie congolaise a demandé des explications à l'ambassade des USA, qui s'est vite dite disponible à participer aux enquêtes.
«Coup d'État étouffé dans l'œuf » ? Coup politique ? Tentative d'assassinat ? Ces questions demeurent sans réponse claire à ce stade. Mais la facilité avec laquelle les assaillants sont entrés dans le Palais de la nation est tout autant inquiétante que grave.
Christian Malanga, le chef des assaillants tué durant le raid, était pourtant connu des services de renseignement du pays depuis plusieurs années pour ses ambitions à porter atteinte aux institutions de la République. Malgré cela, il est parvenu à séjourner dans la capitale et a réussi à organiser sa logistique jusqu’à mettre en exécution son plan en plein cœur du pouvoir.
Aussi amateur que le groupe des assaillants ait semblé être, pour avoir cibler le palais de la nation, une bâtisse vide un dimanche au petit matin, plutôt que la télévision nationale ou la résidence officielle du Président de la République, il n’est pas exclu qu’ils aient bénéficié de complicités.
À cette occasion, la Garde républicaine a de nouveau montré sa propension à commettre des exécutions sommaires. Une vidéo montre en effet des complices de Christian Malanga qui étaient déjà maîtrisés et inoffensifs être abattus à bout portant par cette unité spéciale chargée de la sécurité du Chef de l'État. Ceci rappelle qu’elle avait tué au moins 57 civils à Goma le 30 août 2023 lors des violentes répressions des manifestations demandant le départ de la Monusco. La condamnation de quatre militaires, dont le colonel Mike Mikombe dans ce dossier, n'a visiblement pas suffi pour mettre fin au sentiment d’impunité. En même temps, plusieurs dizaines des survivants de ce massacre sont paradoxalement encore détenus dans la prison centrale de Goma en attente d’un procès.
Ces événements démontrent une nouvelle fois que c’est l’architecture sécuritaire du pays dans son ensemble qui doit être revue pour apporter aux Congolais la paix et la sécurité. Une enquête sérieuse est nécessaire pour identifier les responsables de ces multiples défaillances dans l’appareil sécuritaire mais aussi les responsables des exécutions extrajudiciaires documentées.
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