Quel bilan pour l'opération Shujaa, trois ans après son début ?

Le 30 novembre 2021, les gouvernements congolais et ougandais avaient lancé une opération militaire conjointe dénommée Shujaa. Son but est de traquer et de neutraliser les terroristes des Forces démocratiques alliées ou ADF responsables de massacres de civils congolais et d’attentats en Ouganda depuis plus de 10 ans. Les responsables militaires des deux pays viennent de se réunir pour en faire l’évaluation. Quel bilan peut-on en faire ?

Bonjour.

Je suis Ildefonse Bwakyanakazi, Data Manager pour le Baromètre sécuritaire du Kivu. Vous écoutez le 42è épisode de la saison 4 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Chaque semaine, ce podcast vous apporte notre analyse sur un sujet d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 25 octobre 2024.

Près de trois ans après son lancement, l’heure est à l’état des lieux de cette opération militaire conjointe. Du 10 au 11 octobre 2024, une session d’évaluation a été tenue à Kinshasa entre les chefs d’états-majors des armées de deux pays. Cette réunion a eu lieu après celle de Fort Portal en Ouganda qui réunissait les officiers impliqués dans cette opération sur terrain. Les deux parties ont dressé un tableau élogieux de cette opération militaire.

Le bilan de cette opération n’est, pourtant, que partiellement positif. D’un côté, elle a permis une certaine accalmie dans le secteur de Ruwenzori et les chefferies des Bashu et Watalinga territoire de Beni, la neutralisation de certains commandants et combattants des ADF, la destruction de certains de ses bastions et la libération de plusieurs otages. De l’autre, cette opération militaire n’a pas empêché les ADF d’élargir leurs zones d’intervention. Les ADF sont toujours actifs dans les territoires de Beni, Irumu et Mambasa. Et depuis mai 2024, les ADF ont pour la première fois mené des actions dans le territoire de Lubero et ont commis une première incursion en territoire de Bafwasende en province de la Tshopo. Depuis le début de cette opération militaire, la stratégie appliquée sur terrain semble s’orienter dans le sens de repousser les combattants ADF loin de la frontière congolo-ougandaise. Cela a été fustigé par plusieurs acteurs de la société civile qui observaient le manque d’opérations terrestres de ratissage après les bombardements des positions des ADF. Ces bombardements ont plus contribué à la dispersion de ses combattants, qui poursuivent leurs massacres.

Par ailleurs, la construction de la route Kasindi-Butembo via Beni par la société ougandaise Dott, dont la sécurisation semble être un des buts officieux de l’opération Shujaa, a été suspendue. Ce projet reste important pour l’efficacité de cette opération militaire, en facilitant le transport des troupes et du matériel, et plus largement du commerce entre les deux pays. Les ministres des Infrastructures des deux pays ont d’ailleurs signé, le 16 octobre, un avenant au contrat de construction de ces routes. Si les détails de son contenu sont encore mal connus, il semble réaffirmer la volonté des deux gouvernements de voir ce projet aboutir.

Malgré ces défis, le président Félix Tshisekedi a annoncé, le samedi 12 octobre, la poursuite de l’opération Shujaa.

Espérons que, lors de cette nouvelle phase, elle puisse mieux prévenir l’expansion de la zone d’action des ADF avec une stratégie militaire qui inclut des opérations de ratissage pour s’assurer de la neutralisation effective des combattants ADF.

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