RDC : comment évaluer les élections ?
Ce premier épisode de Po Na GEC de 2024 est une bonne occasion de commenter les élections qui viennent de se dérouler. Quelle a été leur crédibilité et quels en ont été les principaux résultats ?
C'est le début de la quatrième saison de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d'étude sur le Congo (GEC) et d'Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, qui tente chaque semaine d'éclairer un sujet d'actualité en RDC. Je suis Jason Stearns, directeur du GEC. Nous sommes le vendredi 12 janvier 2024.
Il y a eu aussi des aspects positifs de ce processus électoral : il n'y a pas eu de coupure d'Internet, comme lors des élections précédentes, et les candidats de tous bords ont pu se déplacer et tenir des meetings relativement librement pendant la campagne électorale proprement dite – mais beaucoup moins pendant la période qui l'a précédée. La commission électorale nationale indépendante (Ceni) a publié les résultats des élections présidentielles sur son site web jusqu'au niveau des bureaux de vote, ce qui n'avait pas été fait lors des dernières élections, et elle a retransmis des mises à jours régulières des décomptes des voix sur un écran géant pour l'élection présidentielle dans son centre Bosolo à Kinshasa.
Cependant, ces élections ont aussi exposé de nombreuses lacunes logistiques. Elles ont en outre été entachées d'irrégularités et des graves allégations de fraude, de bourrage d’urne en particulier dans certaines parties du pays. La Ceni n'a pas déployé à temps les matériels sensibles y compris les machines à voter et les PV dans chacun des 75 000 bureaux de vote, ce qui a entraîné la confusion et le désordre dans certains endroits. La plus grande mission d'observation des élections, envoyée par l'Église catholique et l'Église du Christ au Congo, a rapporté que dans 551 bureaux de vote (6 % des bureaux observés), des bagarres ont éclaté, souvent parce que les électeurs étaient fatigués d'avoir attendu pendant des heures ou parce qu'ils ne trouvaient pas leurs noms sur les listes électorales. Dans 3 % des cas, des bourrages d'urnes ou des achats de voix ont été observés, et dans environ un quart des endroits, les dispositifs électroniques de vote, anciennes machines à voter, sont tombées en panne. SYMOCEL, une mission d'observation, a rapporté que 58 % des bureaux de vote ont ouvert tardivement et 13% n'ont simplement pas ouvert du tout. En fin de compte, cette confusion a probablement contribué à une faible participation : seuls 43 % des électeurs inscrits ont pu voter, le taux le plus bas jamais atteint.
Il est clair que le processus a besoin d'améliorations radicales. En fin de compte, une grande partie de la légitimité dépendra probablement du résultat. En d'autres termes, même si le processus a été désordonné, si les résultats reflètent la volonté de l'électorat, certains vont les percevoir comme plus acceptables. Cela n'a pas été le cas lors des deux derniers scrutins : en 2011, le cardinal catholique a déclaré que les résultats n'étaient « conformes ni à la vérité ni à la justice », et le Centre Carter a estimé qu'ils n'étaient pas crédibles. En 2018, la plupart des observateurs ont estimé que les résultats de la présidentielle ont été truqués en faveur du candidat arrivé en deuxième position.
Cette fois, les Églises catholique et protestante ont déclaré que, malgré les irrégularités, « un candidat s'est clairement démarqué des autres avec plus de la moitié des voix à lui seul ».
Il s'agit d'une validation implicite des résultats de la Ceni : Tshisekedi a gagné. Ce résultat - même si la marge n'était pas aussi importante - correspondait également à ce que suggéraient plusieurs sondages préélectoraux, notamment celui réalisé par le GEC, Ebuteli et Berci. Cependant, les allégations des fraudes que la Ceni a reconnu en sanctionnant 82 personnes et en annulant les élections dans certaines circonscriptions posent des doutes sur l'étendue de la victoire de Tshisekedi.
Qu'en est-il des autres élections ? Après tout, des élections simultanées ont été organisées pour l'Assemblée nationale, les assemblées provinciales et, pour la première fois dans le cadre de la nouvelle constitution, pour les membres d'un nombre limité de conseils communaux.
Les résultats de ces autres scrutins n'ont pas encore été publiés, mais de nombreuses allégations de fraude ont déjà été formulées. Leur légitimité dépendra en grande partie de la rigueur avec laquelle les tribunaux les traiteront. Il est probable que l'Union sacrée pour la nation dominera tous les niveaux de gouvernement au cours des cinq prochaines années, bien qu'il s'agisse d'une coalition tentaculaire et fracturée. Martin Fayulu, l'un des principaux candidats de l'opposition, a demandé à son parti de boycotter les élections. Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix, s'est présenté aux élections à la dernière minute ; son parti a peu de candidats et peu de fonds.
Nous attendons toujours les évaluations officielles de certaines missions d'observation. En fin de compte, plus d'un milliard de dollars ont été dépensés pour un processus assez chaotique. La commission électorale a été politisée, tout comme les tribunaux chargés de juger les litiges électoraux, et il n'y a pas eu d'audit approfondi du registre des électeurs. Dix-huit ans après l'instauration d'une démocratie multipartite, ces défauts doivent être corrigés de toute urgence par le nouveau gouvernement. Ce n'est pas seulement la légitimité de ce gouvernement, mais celle de la démocratie dans le pays en général qui est en jeu.
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